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Passer de la conformité à la performance


Urgence de transformer le processus d'appel d'offres gouvernemental

Passer au peigne fin la façon dont les contrats publics de transformation numérique sont planifiés, attribués et exécutés.

 

Dans la foulée du fiasco SAAQclic et d’autres dérives numériques, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a confié à l’Autorité des marchés publics (AMP) un mandat de vigie. Selon les paramètres du mandat, l’organisme doit passer au peigne fin la façon dont les contrats publics de transformation numérique sont planifiés, attribués et exécutés. À partir d’un échantillon représentatif de projets, l’AMP devra :

  • Scruter les pratiques contractuelles qui mènent aux dérapages ;
  • Documenter les facteurs expliquant les dépassements de coûts et d’échéanciers ;
  • Évaluer la gouvernance, du choix des fournisseurs jusqu’au suivi des livrables ;
  • Recommander des solutions concrètes pour renforcer performance, transparence et reddition de comptes.

L’annonce, saluée pour sa rigueur méthodologique, n’en soulève pas moins une question cruciale : le gouvernement est-il réellement motivé à réformer un processus qu’il a lui- même complexifié malgré des promesses de simplification ?

Le miroir des entreprises privées

Notre cabinet de consultation accompagne depuis près de vingt ans des sociétés québécoises de renom, tant manufacturières, détaillantes, financières que du divertissement, dont les opérations s’étendent aux quatre coins du globe. Toutes avaient en commun une transformation TI urgente pour soutenir une mutation plus vaste de leur modèle d’affaires.

Avant même de parler architecture ou cahier des charges, nous cherchons d’abord à jauger la motivation réelle de l’organisation : ses meilleurs talents seront-ils libérés ? La transformation primera-t-elle sur les autres projets ? La direction est-elle prête à trancher vite — et parfois dans le vif ? Seulement quelques organisations, à ce jour, ont décroché la mention « très motivé » dès notre première rencontre ; Les autres, souvent, sous- estimaient la discipline requise : ressources partagées, priorités mouvantes, décisions différées… et coûts qui augmentent.

Une reforme sans demi-mesure

La mission donnée à l’AMP ressemble donc à nos diagnostics corporatifs : établir où les promesses divergent des actes. Si le gouvernement veut éviter que l’initiative ne se résume à un rapport de plus, il devra :

Mobiliser ses meilleures ressources – pas seulement des consultants externes ;

Donner priorité à ce projet majeur dans la machine administrative ;

Accepter les choix impopulaires qui s’imposent pour mettre fin aux dérapages.

En d’autres mots, il lui faudra atteindre le même niveau de motivation que celui que nous exigeons de nos clients privés. Les contribuables, eux, ne se satisferont pas d’intentions ; ils attendent des résultats mesurables.

La loupe s’élargit

Quelques mois plus tard, Mme LeBel élargit la mission de l’AMP. Consciente que les mêmes écueils se répètent d’un organisme à l’autre, elle exige désormais une veille active et une analyse comparative de plusieurs projets de transformation numérique. Quatre axes commandent notre attention :

 

  1. Planification : définir dès le départ les besoins d’affaires, la gouvernance et l’architecture cible.
  2. Octroi des contrats : privilégier des critères qui récompensent l’agilité, la maîtrise des risques et la capacité de livraison, plutôt que le seul prix.
  3. Gestion des coûts et des échéanciers : imposer des jalons de contrôle assortis de mécanismes de reddition de comptes publics.
  4. Gouvernance contractuelle : instaurer des comités décisionnels où siègent à la fois les directions, les TI, le Secrétariat du Conseil du trésor et, au besoin, l’AMP comme observateur permanent.

Trois constats qui se dégagent

  1. La complexité n’est pas une fatalité. Les plateformes infonuagiques et les progiciels de gestion intégrée promettent rapidité et modularité, mais sans une phase de diagnostic rigoureuse, ils deviennent de simples coquilles coûteuses.
  2. L’allocation des risques demeure asymétrique. Les fournisseurs privés capitalisent sur leur expertise et facturent des heures alors que l’État encaisse l’entière responsabilité politique des retards. Un partage plus équitable par des clauses de performance et des bonus/malus réalignerait les incitatifs.
  3. La compétence interne est la première ligne de défense. Trop souvent, la pression pour livrer pousse les organismes à externaliser la gouvernance elle- même. Or, sans maîtrise interne des méthodes agiles, de l’architecture de données et de la cybersécurité, l’État devient dépendant de prestataires dont les objectifs
    peuvent diverger de ceux de l’organisation.

Recommendations clés pour un virage durable

  1. Adopter un modèle d’approvisionnement séquentiel : attribuer d’abord un contrat de preuve de concept (PoC) limité, puis graduellement élargir le périmètre en fonction de livrables mesurables.
  2. Publier un tableau de bord citoyen : coûts engagés, livrables reçus, écarts, échéancier et décisions du comité de suivi, mis à jour chaque trimestre.
  3. Mettre en place une réserve stratégique de ressources TI gouvernementales (architectes, analystes d’affaires, cyber-experts) prêtes à intégrer les projets critiques comme « spécialistes » et à challenger les solutions proposées.
  4. Instaurer un audit-post-mortem obligatoire : à la clôture de chaque projet numérique excédant 25 M$ ou 24 mois, une équipe indépendante doit documenter les leçons apprises et les rendre publiques.
  5. Renforcer la formation des gestionnaires publics : l’Office des professions pourrait certifier un micro-programme en gouvernance des contrats numériques, préalable à toute direction de projet TI d’envergure.

Conclusion : de la conformité à la performance

La technologie évolue à un rythme que les processus publics ont historiquement du mal à suivre. Le double mandat confié à l’AMP, d’abord ciblé, puis transversal, reflète une prise de conscience : la reddition de comptes ne doit pas seulement viser la conformité, mais la performance durable. En ouvrant la boîte noire des contrats technologiques, Québec se dote d’une occasion unique de repenser la gouvernance numérique et de placer l’intérêt public au centre de la modernisation.

Il appartient maintenant aux dirigeants d’organismes, aux fournisseurs et aux élus de transformer ces recommandations en gestes concrets. Car la plus grande innovation n’est peut-être pas technologique : c’est la transparence.

 

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