Un seul projet, cinq cents millions de raisons de bien faire un appel d’offres
Lorsque la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) a dévoilé en 2017 sa refonte des services numériques, elle estimait que le projet coûterait 638 millions de dollars sur dix ans. Huit ans plus tard, la commission d’enquête publique sur SAAQclic a entendu des témoignages sous serment affirmant que la facture atteindrait 1,1 milliard de dollars d’ici 2027 — soit près d’un demi-milliard de plus que prévu — et que 20 % des bogues du système étaient toujours non résolus au moment de la mise en ligne.

Certains dirigeants du secteur privé perçoivent ce genre d’échec comme un « problème gouvernemental », mais l’histoire démontre le contraire. Target Canada a perdu environ 2 milliards de dollars américains et fermé 133 magasins après un déploiement SAP précipité, qui a inondé ses centres de distribution de données erronées, menant à des tablettes vides. De grandes chaînes de vente au détail, des compagnies aériennes et des institutions financières à l’échelle mondiale ont toutes appris qu’une ambition démesurée, sans approvisionnement ni exécution rigoureuse, mène au désastre, peu importe le modèle d’organisation.
Selon la recherche continue du Standish Group (étude CHAOS), plus de la moitié des projets logiciels d’envergure dépassent leur budget initial de près de 189 %. Le facteur commun n’est pas le secteur, mais la structure : exigences mal définies, fournisseurs qui négocient avec un avantage d’expertise, et mécanismes de gouvernance ajoutés après la signature du contrat.
Le seul moment où ces dynamiques peuvent être maîtrisées est lors de l’appel d’offres compétitif (RFP). C’est pourquoi de plus en plus d’organisations placent des conseillers en impartition expérimentés — comme Lorange Leclair & Compagnie — au coeur même du cycle de vie de leurs appels d’offres.
Comment les conseillers experts redefinissent les règles du jeu
- Une méthodologie intégrée du début à la fin
Lorange Leclair & Compagnie a cartographié tous les artefacts requis tout au long du cycle : de l’analyse initiale à la rédaction du RFP, de l’évaluation des fournisseurs jusqu’à la finalisation du contrat. En adoptant une approche dite de « construction progressive », les équipes capturent les informations une seule fois — objectifs d’affaires, descriptions de services, bases de coûts — et les enrichissent itérativement, sans recommencer à zéro à chaque étape. Le même paragraphe utilisé pour définir une exigence dans la présentation initiale se retrouve tel quel dans l’annexe contractuelle sur les niveaux de service. Rien ne se perd en traduction, et le chronomètre de l’approvisionnement ne redémarre jamais. - Une bibliothèque vivante de modèles et de catalogues de services
Grâce à une collection interne de clauses éprouvées, de grilles tarifaires et de définitions de services infonuagiques, l’entreprise élimine les retards associés à des RFP conçus à partir de zéro. Les gabarits couvrant l’Infrastructure-as-a-Service, les abonnements SaaS, l’impartition applicative ou encore l’impartition complète de processus d’affaires s’intègrent directement dans le cadre réglementaire et l’identité visuelle du client — accélérant la mise en marché tout en identifiant des lacunes que les novices ne verraient pas. - Une stratégie sectorielle bien définie avant même la rédaction
Chaque mandat débute par un diagnostic rapide qui évalue les objectifs du client en les comparant à ceux de ses pairs et aux attentes des organismes de réglementation. Une banque soumise à la pression réglementaire du BSIF (Bureau du surintendant des institutions financières) obtiendra une stratégie bien différente de celle d’un réseau de santé. Pourtant, toutes deux partagent une même approche fondée sur les résultats : des objectifs mesurables, des mécanismes de partage des risques et une traçabilité rigoureuse du modèle d’affaires. - Une puissance de négociation face aux fournisseurs majeurs
Les négociateurs de Lorange Leclair ont siégé à la table avec la majorité des joueurs mondiaux et savent exactement où s’arrêtent les grilles tarifaires du marché et où commencent les marges de confort. Ils bâtissent des modèles de « coût cible », conçoivent des jalons à risque financier et intègrent des clauses tarifaires qui révèlent tous les frais avant qu’ils ne deviennent des surprises pour la haute direction. - Une gouvernance pensée dès le départ
La vérification indépendante (IV&V), les tableaux de bord fondés sur la valeur acquise, les crédits de service déclenchés automatiquement et les protocoles de rebaselining sont intégrés directement dans le RFP. Les fournisseurs soumissionnent en sachant que la transparence est non négociable; les clients signent en sachant que chaque clause est « exécutable facilement » lorsque les pressions opérationnelles surgiront. - Un accompagnement d’un bout à l’autre du projet
Le mandat du conseiller ne s’arrête pas à la signature du contrat. Les équipes restent mobilisées pendant toute l’exécution : transfert de connaissances, essais parallèles, bascule vers la production. Leur rôle est de s’assurer que les intentions capturées dans le RFP deviennent réalité sur le terrain. - Une prise en charge du projet par le client
Dans une vaste majorité des projets logiciels, le client doit exécuter plus de 50% des efforts de mise en oeuvre. Il est donc essentiel de mobiliser ses ressources internes et d’établir une structure de gestion client pour superviser le fournisseur et livrer ses propres livrables.
Principes directeurs d’une entente de service efficace
À travers des centaines d’appels d’offres concurrentiels, l’entreprise a distillé huit principes qui garantissent des relations productives, et ce, pendant trois, cinq et même sept ans :
A. Clarté des attentes
Ce sont les malentendus — et non la mauvaise foi — qui causent la majorité des escalades. Chaque livrable, indicateur de performance et test d’acceptation doit donc être défini d’abord en langage clair, puis chiffré ensuite.
B. Vision intégrée
Les exigences, niveaux de service, barèmes de prix et coûts de référence doivent cohabiter dans un même modèle, ce qui permet de détecter à l’avance les compromis involontaires.
C. Clauses gérables
Un contrat n’est bon que dans ses pires journées. Des mécanismes de recours simples et concis valent mieux que des clauses labyrinthiques pleines d’échappatoires.
D. Flexibilité pour pivoter
Des mécanismes de contrôle des changements et d’ajustement des capacités
(« true-ups ») permettent aux clients de s’adapter sans devoir renégocier chaque clause.
E. Affinité culturelle
Les outils, les processus et le partage onshore/offshore doivent s’aligner non seulement avec la vision technologique du client, mais aussi avec sa culture opérationnelle.
F. Prévisibilité immédiate
Les promesses vagues de « s’entendre lors de l’implantation » doivent être remplacées par des annexes concrètes dès aujourd’hui.
G. Incitatifs mutuels
Les fournisseurs devraient générer leurs marges grâce à leur performance, non à la complexité. Les clients, quant à eux, devraient réaliser des économies via une courbe descendante annuelle des tarifs unitaires.
H. Équité
Une économie durable pour les deux parties surpasse les ententes de type « gagnant prend tout », qui finissent souvent par se désintégrer à mi-parcours.
À quoi ressemble le succès… en chiffres
Qu’il s’agisse de mandats publics ou de dossiers privés, les programmes qui ont appliqué cette méthodologie ont affiché un écart budgétaire à un seul chiffre et des retards trois fois moindres comparativement à des projets similaires. Même après inclusion des honoraires-conseils — généralement entre 3 % et 5 % de la valeur du contrat —, les dépassements évités, les mises en production accélérées et la réduction du risque de litige offrent un retour sur investissement net de trois à cinq fois.
À l’inverse, les 500 millions $ de dépassement du projet SAAQclic auraient permis de financer plusieurs générations d’accompagnement en approvisionnement indépendant.
Mesurer deux fois, approvisionner une seule fois
Les cas de SAAQclic et de Target Canada illustrent une vérité universelle : le coût d’un mauvais approvisionnement dépasse de loin celui de l’aide d’experts. Un appel d’offres conçu par des conseillers en impartition chevronnés — des professionnels qui comprennent chaque artefact, utilisent une méthodologie structurée, s’appuient sur une riche bibliothèque documentaire, élaborent des stratégies sectorielles et négocient des contrats équitables, souples et axés sur la performance — devient un véritable actif organisationnel, plutôt qu’un fardeau bureaucratique.
Les dirigeants qui souhaitent éviter la prochaine manchette n’ont que trois gestes à poser :
- Commander une évaluation de l’état de préparation avant d’entreprendre la prochaine transformation numérique;
- Réserver une petite portion du budget du projet à l’accompagnement indépendant — pensez assurance, pas frais généraux;
- Exiger que tout futur appel d’offres encode dès le départ la clarté, la gouvernance et les incitatifs que
l’histoire a prouvés comme étant indispensables.
Car en informatique à grande échelle, l’excellence n’est pas un accident; c’est le fruit prévisible d’un approvisionnement discipliné — qui commence et se termine par un appel d’offres bien structuré.